Who’s Next vu par Loïc Prigent

Who’s Next ? Ce qui est beau avec le chaos initial de Who’s Next, c’est qu’il a perduré.

J’étais aux premières éditions! Je me souviens de l’émergence nécessaire de ce salon qui était un symbole. Une nouvelle génération arrivait et voulait en découdre. Les autres marques censées parler aux jeunes semblaient soudain des monolithes ankylosés. Découdre dans tous les sens du terme ! Le chaos était là parce qu’une fois les murs routiniers du prêt-à-porter tombés, ces choses pouvaient se faire dans la joie et l’allégresse. L’improvisation de ce qui est une évidence. Je me souviens d’un hall où il y avait des dizaines de stands qui étaient chacun comme des fêtes d’anniversaire, des pendaisons de crémaillères, des cabarets enjaillés. Une allégresse. Tout le monde avait l’air d’être DJ. 

Tout le monde jouait en même temps. La cacophonie était réelle. Tout s’hybridait, se subdivisait. Clubwear, skatewear, bmxwear, cyberwear, snowwear, workwear, clubwear, technowear, ce sont quelques unes des catégories que j’avais relevé sur mon carnet à spirales (on avait des carnets à spirales). Des mots en -wear qui étaient autant de courants et qui indiquaient avec assurance que tout cela relevait du générationnel, de styles de vie joyeux et vibrants qui avaient moins de cinq ans. 

Les garçons sur les stands avaient déjà les ongles tranquillement peints en bleu. Je notais la rencontre entre “deux acheteuses italiennes sorties du salon du 

prêt-à-porter féminin tout proche et ahuries par ces accoutrements iconoclastes” et “un mannequin ultrafardé à la tenue de cosmonaute hindou.” Celui-ci de s’amuser du choc des cultures : «Ah, les grands-mères elles hallucinent ! Aaaaah ! Où sommes-nous ?!» L’idéologie du vêtement changeait. 

Who’s Next était fait pour s’amuser, mais aussi pour durer. Déjà, dès la première édition, des marques créaient la nouveauté à partir d’upcycling. On disait recyclage à l’époque. Des marques qui transformaient les T-shirt à slogans insolents en or. Les nouvelles matières que oui ça fait transpirer mais l’effet iridescent en vaut la chandelle. Les tenues trop moulantes et trop panthères (jamais trop moulantes, jamais trop panthères). 


Un conservateur avisé de musée de la mode qui aurait fait une récolte du meilleur et du plus étrange de ces premiers salons Who’s Next, aurait conçu une capsule temps sacrément révélatrice du mitant des années 1990, des différentes esthétiques qui la traversaient, son incroyable morgue aussi bien que ses inquiétudes. On parlait déjà de “barons de la wear” et aujourd’hui cette serre de beaux papillons est devenue le salon leader de la mode et du lifestyle, une ville de trois jours qui émerge Porte de Versailles avec toujours les hurluberlus et nouvelles marques, les visionnaires en train d’inventer leur case et les forces tranquilles, les bijoux, les denims, les joyeux et les drilles, toujours les avant gardiste de l'éco responsabilité, toujours la radioscopie diffractée et donc fidèle des temps actuels. 

Le nom Who’s Next était une promesse qui clairement a été tenue.


Loïc Prigent

Loïc Prigent

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